Une étude longitudinale démontre que l’autogestion permet d’obtenir un bon contrôle glycémique.
3 Novembre 2015 à 13H38
Le lien entre une saine alimentation et un meilleur contrôle glycémique est clair chez tous les patients, révèle l’étude pilotée par Janie Houle.Photo: iStock
Au Québec, le diabète affecte environ 830 000 personnes, parmi lesquelles près de 250 000 l’ignorent. Cette maladie chronique est la première cause de cécité chez les 65 ans et plus. Elle est également responsable de 40 % des insuffisances rénales, elle augmente le risque de maladies cardiaques et celui de souffrir de déficits cognitifs. La bonne nouvelle: il est possible de contrôler son diabète. «C’est toutefois une maladie exigeante sur le plan de l’autogestion. Il faut faire attention à son alimentation, faire de l’exercice physique, surveiller sa glycémie et gérer son stress», affirme Janie Houle. La professeure au Département de psychologie vient de publier les premiers résultats d’une étude longitudinale portant sur l’autogestion du diabète dans Diabetic Medecine.
En collaboration avec des collègues montréalais, Janie Houle a voulu vérifier si les fluctuations dans les comportements d’autogestion se traduisent par une fluctuation de la concentration de glucose dans le sang, ou hémoglobine glyquée. «Lorsque celle-ci franchit un certain seuil, le diabète commence à s’attaquer aux organes et à causer des dommages», précise la chercheuse.
L’équipe de chercheurs a suivi 295 patients diabétiques pendant un an, à raison de trois rencontres: au début de l’étude, 6 mois et 12 mois plus tard. Les patients ont répondu à un questionnaire sur leurs comportements d’autogestion liés à l’alimentation, à l’exercice physique, à la surveillance de leur glycémie et à la prise de leur médication. Une mesure de l’hémoglobine glyquée a été effectuée à chaque rencontre.
Autogestion efficace
«La surveillance de la glycémie sur une base quotidienne n’est utile que pour les personnes qui prennent de l’insuline, observe Janie Houle. Celles qui prennent des comprimés oraux ou qui gèrent leur diabète avec de l’exercice physique et un plan d’alimentation n’ont pas besoin de surveiller leur glycémie tous les jours.»
Janie Houle Photo: Émilie Tournevache
Le lien entre une saine alimentation et un meilleur contrôle glycémique est clair chez tous les patients. Par contre, le contexte de l’étude n’a pas permis de démontrer clairement les bienfaits de l’activité physique – on recommande 30 minutes de marche par jour, trois fois par semaine. «Bien sûr, les personnes qui ont complètement cessé de faire de l’activité physique durant l’étude ont vu leur taux d’hémoglobine glyquée grimper en flèche. Mais il s’agissait d’une minorité de patients, car la plupart étaient actifs et conscients des bienfaits de l’activité physique sur leur maladie. Il y avait donc peu de place à l’amélioration entre le début et la fin de notre étude», souligne la chercheuse.
C’est dans la prise de médication que les patients sont les plus assidus. «Prendre un comprimé oral est ce qu’il y a de plus facile, note Janie Houle. Comme pour l’activité physique, on n’enregistre donc pas de variations significatives de ce comportement chez la majorité des patients. Par contre, des analyses plus fines ont démontré que les personnes en situation de pauvreté, et encore davantage celles ayant un faible niveau de scolarité, sont plus susceptibles d’arrêter de prendre leur médication ou de ne pas la prendre à tous les jours… ce qui est associé à une augmentation de leur taux d’hémoglobine glyquée.»
Diabète et pauvreté
Selon l’étude, les personnes en situation de pauvreté et ayant un faible niveau de scolarité présentent un taux d’hémoglobine glyquée beaucoup plus élevé que les autres. «Cela nous a troublés et nous avons voulu en comprendre les raisons», raconte Janie Houle.
Certains facteurs nuisant à une bonne autogestion de la maladie sont connus. Un faible niveau de scolarité, par exemple, nuit à la compréhension du plan d’alimentation, qui fait appel à des notions de chimie alimentaire. L’accès à des ressources de qualité – pensons à des fruits et légumes frais et à des parcs à proximité du domicile pour faire de l’exercice – constitue un problème très important pour les personnes diabétiques en situation de pauvreté, qui n’ont pas les moyens de se payer un abonnement au gym et qui vivent habituellement dans un environnement plus stressant.
Dans un nouvel article à paraître sous peu, les chercheurs ont identifié trois variables médiatrices qui pourraient expliquer le lien entre le statut socioéconomique, le niveau de scolarité et un moins bon contrôle glycémique. «Les symptômes dépressifs figurent parmi ces variables, affirme Janie Houle. Les personnes en situation de pauvreté sont plus sujettes à la dépression – ce qui peut les amener à faire moins attention à ce qu’elles mangent et à négliger de prendre leurs médicaments.»
Ces personnes utilisent davantage de stratégies d’évitement – de type «J’essaie de ne pas y penser», «Je fais comme si ma maladie n’existait pas» ou «Je prends de l’alcool ou de la drogue pour me relaxer». Les personnes en situation de pauvreté étaient également plus nombreuses à croire que le diabète est une maladie cyclique, qui va et vient et qui est imprévisible. «Ce sentiment reflète probablement leur impuissance à contrôler leur glycémie», estime la professeure.
Travailler en amont
Selon l’Organisation mondiale de la santé, le taux de diabète doublera d’ici 2030. Au Québec, la maladie occasionne des frais directs et indirects de trois milliards de dollars à l’État. «On ne peut pas rester les bras croisés à ne rien faire, juge Janie Houle. Les soins curatifs sont nécessaires, mais ils ne doivent pas constituer la seule approche. Il faut surtout lutter en amont en s’attaquant aux causes structurelles des inégalités sociales de santé. On laisse trop souvent les patients diabétiques en situation de pauvreté se débrouiller seuls, alors que l’on devrait au contraire leur fournir un accompagnement personnalisé.»
Dans leurs recommandations, Janie Houle et ses collègues suggèrent aux intervenants de porter attention aux représentations du diabète de leurs patients et de mesurer régulièrement les comportements d’autogestion et l’hémoglobine glyquée. «Cela leur permettrait de souligner les progrès réalisés et de démontrer plus clairement aux patients la relation entre leurs comportements de santé et leur contrôle glycémique, déconstruisant du même souffle l’idée selon laquelle le diabète est imprévisible et renforçant leur pouvoir d’agir», conclut-elle.
SOURCES :
https://www.actualites.uqam.ca/2015/autogestion-diabete-controle-glycemique