Un suivi est essentiel pour prévenir les risques associés à un régime riche en lipides.
22 Octobre 2019 à 15H01
La diète cétogène repose sur un apport très élevé de lipides (corps gras) – de 75 % à 80 % de l’énergie consommée – et très faible en glucides – de 5 % à 10 %. Illustration: Getty Images
La diète cétogène a la cote depuis quelques années. Des millions de personnes à travers le monde – principalement en Europe, en Amérique du Nord et en Asie – ont adopté une alimentation riche en lipides et faible en glucides, dont des célébrités comme le basketteur Lebron James, l’actrice Halle Berry et les sœurs Kardashian. La popularité du régime ne se dément pas. Une étude de la firme Mordor Intelligence prévoit que le marché mondial de la keto diet connaîtra un taux de croissance annuel de 5,3 % entre 2019 et 2024.
Les bienfaits attribués à la diète sont nombreux: perte de poids rapide, regain d’énergie, sentiment de satiété, amélioration des capacités cognitives. «Les effets positifs sur la perte de poids sont assez consensuels dans la littérature scientifique, admet David St-Pierre, professeur au Département des sciences de l’activité physique. On pense aussi que la diète cétogène pourrait induire des améliorations chez les personnes atteintes de maladies neurodégénératives comme l’Alzheimer et le Parkinson, ou de maladies inflammatoires de l’intestin comme la maladie de Crohn ou la colite intestinale.»
Développée dans les années 1920 pour traiter l’épilepsie chez les enfants, la diète cétogène repose sur un apport très élevé de lipides (corps gras) – de 75 % à 80 % de l’énergie consommée – et très faible en glucides – de 5 % à 10 %. Puisque les glucides forment habituellement plus de la moitié des calories ingérées quotidiennement et qu’elles constituent la principale source d’énergie, ce changement drastique force le corps à utiliser les lipides, plutôt que les glucides, comme carburant. L’organisme produit alors des corps cétoniques pour répondre à ses besoins énergétiques. C’est ce qu’on appelle un état de cétose.
Des risques pour la santé…
Malgré ces bénéfices, David St-Pierre met en garde les personnes qui souhaitent adopter la diète cétogène. «Le principal danger est l’acidocétose, soit un niveau de cétones trop élevé, affirme le professeur. L’acidocétose acidifie le sang et diminue la capacité de secréter de l’insuline, ce qui peut entraîner de graves complications.»
La production d’une trop grande quantité de lipoprotéines de basse densité – ce que l’on appelle le mauvais cholestérol – constitue aussi un danger. «À long terme, une personne qui mange trop de gras saturés peut souffrir d’athérosclérose, ce qui augmente grandement le risque de maladies cardiovasculaires», soutient David St-Pierre.
Modifier drastiquement sa diète a aussi des effets sur le microbiote intestinal, soit l’écologie microbienne dans l’intestin. Ces changements ont un impact sur la sécrétion de la ghréline, une hormone qui stimule l’appétit et le plaisir de manger, ainsi que sur l’hormone GLP-1, qui arrête la faim. «La modification du microbiote intestinal peut aussi faire augmenter la perméabilité intestinale et la translocation des endotoxines bactériennes, ce qui peut causer de l’inflammation à long terme, indique le professeur. Puisque l’inflammation est l’un des principaux facteurs des désordres métaboliques, cela peut être très dommageable.»
… et pour la performance
D’un point de vue sportif, la diète cétogène aurait également des impacts sur la performance physique. Si les résultats pour les activités à basse intensité (60% ou moins de l’effort maximal) sont inchangés, on observe une diminution de la performance pour les activités à intensité élevée (70 % et plus d’effort maximal). «L’énergie pour les sports à explosion ou les sprints est habituellement tirée des glucides, une source d’énergie rapide, mentionne le chercheur. En l’absence de glucides, le corps a plus de difficultés à soutenir un rythme élevé.»
Des complications chez les rats
En collaboration avec une dizaine de chercheurs, David St-Pierre a participé à une étude sur des rats qui ont été soumis, durant 14 jours, à une diète enrichie en lipides. «La diète n’était pas tout à fait cétogène, puisque l’alimentation était composée de 20 % de glucides et de 60 % de lipides, mentionne le professeur. Elle donne toutefois de très bons indices sur les risques associés aux diètes riches en lipides.»
Après seulement deux semaines de cette diète, les chercheurs ont observé une augmentation importante du gras viscéral, soit le mauvais gras qui s’accumule autour des organes vitaux. «On note aussi une diminution de l’activité physique des rats, une baisse de sommeil, une augmentation de gras dans les fibres musculaires, une diminution de la force musculaire et l’émergence des premiers signes d’inflammation», ajoute David St-Pierre.
Les résultats de cette étude, terminée en 2018, ont été publiés dans les revues Frontiers in Physiology, Hindawi Journal of Nutrition and Metabolism, Wiley Cell Biochemistry & Function et Physiological Reports
Efficace chez les diabétiques de type 1?
David St-Pierre développe actuellement un projet de recherche à l’Institut de recherches cliniques de Montréal avec ses collègues Rémi Rabasa-Lhoret, professeur au Département de nutrition de l’Université de Montréal, et Anne-Sophie Brazeau, professeure à la School of Human Nutrition de l’Université McGill. Les chercheurs souhaitent évaluer les effets de la diète cétogène chez les personnes diabétiques de type 1 (diabète juvénile).
«On pense pouvoir améliorer la sensibilité à l’insuline chez ces personnes et ainsi réduire les concentrations d’insuline injectées, affirme le professeur. On veut s’assurer au préalable que la diète cétogène est sécuritaire pour les personnes diabétiques de type 1 et qu’elle ne cause pas d’hypoglycémie.»
S’il reconnait certains bienfaits à la diète cétogène, David St-Pierre recommande aux personnes intéressées à amorcer un régime riche en lipides d’obtenir un suivi médical pour vérifier leur taux de cholestérol ainsi qu’un suivi nutritionnel pour s’assurer d’ingérer les bons nutriments. «Il faut privilégier les bons gras mono-insaturés et polyinsaturés plutôt que les gras saturés ou les gras trans, dit le professeur. Un ratio équilibré d’acides gras oméga-3 et oméga-6 est aussi important, car une surabondance d’oméga-6 peut être un facteur précurseur de conditions inflammatoires. Et puisque les fruits sont généralement absents des diètes cétogènes, il faut s’assurer que les besoins en vitamines et en fibres alimentaires sont comblés.»
SOURCES :
https://www.actualites.uqam.ca/2019/diete-cetogene-la-prudence-est-de-mise